54.

Le samedi soir, après s’être assuré que Steve était parti se produire quelque part avec son orchestre, Howard Altman s’était introduit dans son appartement. Prenant mille précautions, il avait habilement installé des caméras dans le séjour et la chambre. La vidéo serait directement relayée sur son ordinateur.

Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? se demanda-t-il en terminant l’installation. Merci, mon vieux, de m’avoir facilité la tâche. Steve avait laissé la lumière allumée dans les deux pièces, ainsi que dans la salle de bains. On voit que Derek paie ses notes de gaz et d’électricité, se dit-il avec amertume. Et c’est à moi de payer les miennes !

En outre, Steve était un porc. Le lit n’était pas fait. Quelques-uns de ces ridicules costumes qu’il portait parfois sur scène étaient entassés sur une chaise. Les perruques et les postiches qu’il utilisait pour interpréter certains personnages étaient jetés dans un carton sur le sol. Altman en essaya une, une perruque de longs cheveux bruns. Il se regarda dans la glace, puis l’arracha. Il ressemblait à une femme, avec ce truc, et ça lui rappelait ce professeur qui habitait cet appartement et avait été assassiné.

Je ne sais pas comment Steve Hockney peut vivre dans un endroit où a vécu quelqu’un qui s’est fait trucider, se demanda-t-il. Je ne peux pas rester une minute de plus.

Le lundi matin Altman alla chercher Derek Olsen pour leur rituelle inspection des immeubles, mais ne le trouva pas chez lui. Le gardien lui dit qu’une voiture avec chauffeur était venue le prendre.

Déconcerté, il se rendit seul à leur point de départ habituel, l’immeuble dont les Kramer avaient la charge. Il s’apprêtait à introduire sa clé personnelle dans la serrure de la porte d’entrée quand elle s’ouvrit brusquement et une jeune femme en larmes passa en courant devant lui.

Carolyn MacKenzie ! Que faisait-elle ici ? Il se retourna et se lança à sa suite, la rattrapa au milieu de la rue au moment où elle déverrouillait sa voiture à l’aide de la télécommande. « Mademoiselle MacKenzie, je suis Howard Altman. Nous nous sommes rencontrés chez les Kramer il y a deux semaines. »

Il la vit essuyer ses larmes avec impatience. « Je crains de ne pas pouvoir vous parler maintenant, dit-elle.

– Écoutez, j’ai vu votre photo dans les journaux et j’ai lu toutes ces histoires sur votre frère. Je ne travaillais pas encore pour M. Olsen à l’époque, mais j’aimerais pouvoir vous aider.

– Merci.

– Je vous vois bouleversée. Si les Kramer en sont la cause, je vais m’occuper d’eux. »

Sans répondre, elle repoussa son bras qui lui barrait le passage et, d’un mouvement rapide, elle ouvrit la portière, monta dans la voiture et démarra. Elle ne lui jeta pas un regard tandis qu’elle manœuvrait, reculait de quelques mètres et s’éloignait.

Le visage d’Altman se rembrunit. Il repartit vers l’appartement des Kramer et sonna à leur porte. Ne voyant personne répondre malgré son insistance, il utilisa son passe et constata que la chaîne de sécurité était mise. « Gus, Lil, cria-t-il, j’ai besoin de vous parler.

– Allez au diable, cria Gus à travers la porte. Nous nous tirons d’ici aujourd’hui. Vous pouvez avoir le job, l’appartement et tout ce qui va avec. Et, pour votre information, Howie, vous feriez bien de surveiller ce qui se passe dans votre dos. Si Steve a son mot à dire, vous allez vous retrouver à la porte, obligé de chercher un endroit où crécher. Maintenant disparaissez ! »

Planté au milieu du hall, Altman ne pouvait qu’obtempérer. Steve était-il en train de faire les visites d’inspection à sa place avec Olsen ? Pourquoi sinon Olsen aurait-il commandé une voiture avec chauffeur ce matin ?

Il y avait un moyen de savoir si Steve était dans les parages. Altman retourna chez lui et brancha son ordinateur pour visionner les enregistrements vidéo. Steve était entré et sorti de son appartement à plusieurs reprises la veille, mais toujours seul. Il n’y avait personne dans le living-room en ce moment. Peut-être avait-il rejoint son oncle, se dit Altman. La caméra de la chambre montra alors Steve assis au bord du lit, essayant ses perruques l’une après l’autre, arrêtant son choix sur de longs cheveux bruns. Elle le surprit ensuite en train de sourire à son image et envoyant un baiser en direction du miroir. Puis Steve se tourna face à l’objectif.

« Howie, j’ai déjà fait installer mes propres caméras de surveillance, dit-il. Par sécurité. Certains de mes amis ne sont pas des clients tout à fait fiables. Si vous êtes en train de regarder, ou quand vous regarderez, amusez-vous bien. »

Les mains tremblantes, Altman éteignit son ordinateur.

Où es tu maintenant ?
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